Ce dimanche 12 novembre au matin, les habitants du centre de Bruxelles se sont réveillés, choqués par les dégâts de la violence inacceptable dans le quartier Anneessens ayant eu lieu la veille. Ce qui a commencé comme une fête de masse avec des milliers de personnes fêtant sur les marches de la Bourse la victoire au football du Maroc a fini avec des destructions par quelques dizaines d’individus dans le quartier Anneessens. Mathilde El Bakri, députée bruxelloise et habitante du quartier Anneessens, réagit.
Mathilde El Bakri : Comme beaucoup de mes voisin.e.s, je suis encore sous le choc des événements survenus hier soir dans mon quartier. Une violence inouïe, incompréhensible et inacceptable. C'est arrivé sous nos yeux. À quelques mètres de nous. Juste en face de chez moi, une voiture a pris feu. Ce matin, on s'est réveillé groggy face aux dégâts de la veille. Certain.e.s commerçant.e.s ont été touché.e.s de plein fouet. Vitres cassées, marchandise volée, magasins endommagés… On en a encore froid dans le dos.
Dans la presse, des riverains se plaignaient du fait que la police n’était pas intervenue.
Mathilde El Bakri : J’ai parlé à la propriétaire du magasin de meubles qui a été détruit. Elle ne comprend pas comment cela se fait que la police a mis plus d'une heure pour intervenir dans le quartier livré à lui même. « Les fauteurs de troubles ont eu une heure pour briser la vitre et rentrer dans mon magasin. Un policier nous a témoigné avoir reçu la directive de ne pas intervenir. Pourquoi ? »
Ils ne sont pourtant pas les seuls à avoir alerté la police. Khalid, propriétaire du magasin PC-Labo, a aussi appelé la police avant que sa vitrine ne soit complètement détruite. Plus tard, il restera bouche bée face à la la réaction des agents de police qui ont lancé des gaz lacrymogènes dans son magasin. Pourquoi ce geste, alors qu'il est victime ? « Parce que j'ai osé les critiquer de les voir reculer, estime-t-il. Ils ont mis plus d'une heure à arriver, je n'ai pas compris pourquoi ils repartaient si vite alors que rien ne semble sous contrôle. »
Quelle est l’ambiance dans le quartier, maintenant ?
Mathilde El Bakri : Face à toutes ces violences, c'est touchant de voir comment la solidarité s'organise entre voisin.es. Un ami de Khalid est venu du Brabant Flamand pour l'aider à installer des panneaux en attendant le remplacement de sa vitrine. Un voisin qui a subi un cambriolage a reçu un matelas tout neuf d'un commerçant. Le gérant du night shop qui s'est fait voler alcool et cigarettes a insisté pour nous offrir à boire lorsqu’on est venus lui parler : « Servez-vous dans le frigo ou prenez un café. » Les habitant.e.s et la famille de la propriétaire du magasin de meubles sont venus la soutenir. Cela dit, beaucoup de questions restent en suspens.
Par exemple ?
Mathilde El Bakri : Il y a donc la question des riverains : pourquoi la police n’est-elle intervenue qu’après une heure ? Mais il reste aussi des questions sur la gestion de la fête à la Bourse. Des agents témoignent du manque de préparation, comme lors d’autres grands matchs. Trop peu de policiers mobilisés, ou que très tardivement.
Lors d’autres matchs où l’on attend beaucoup de monde, il y a des « spotters » qui font sortir les fauteurs de trouble de la masse en fête. Hier soir, il n’y en avait pas. Et, normalement, la police reste en retrait tant que ça se passe globalement bien. Des amis à moi, mais aussi d’autres témoins sur les réseaux sociaux, et même un membre du conseil de police, parlent d’une bonne ambiance à la Bourse, une fête familiale. Ils ne comprennent pas pourquoi l’évacuation était déjà nécessaire à 21h25, et en plus à l’autopompe, au gaz lacrymogène et à la matraque.
Cela ne justifie aucunement le saccage de mon quartier, mais il y a régulièrement des matchs qui se fêtent sur les marches de la Bourse. Avec le bon encadrement, on devrait rendre possible que la majorité passe une chouette fête, en ciblant les individus qui posent problèmes.
Les riverains veulent des garanties que les prochaines fois, les dispositifs suffisants soient pris pour protéger les quartiers avoisinants. Hier, les travailleurs de rue et gardiens de la paix n’étaient même pas mobilisés. Ce n’est que quand c’était déjà trop tard que la commune a essayé de mobiliser encore quelques « grands frères » pour calmer l’affaire. Face à tout cela, les riverain.e.s attendent des réponses.
Auteur: Dirk De Block
Photos: Mathilde El Bakri