Le directeur de GIAL était mieux payé qu’Angela Merkel ou Charles Michel

Avec l’asbl GIAL, créée par la Ville de Bruxelles, c’est une nouvelle histoire de corruption qui éclate. À l’instar de Publifin, à Liège, les scandales dans la capitale montrent bien à quel point les intérêts publics sont compromis quand ils sont gérés par une entreprise privée. Le PTB exige que GIAL redevienne un service public moderne, un service communal 2.0.

Gérée comme une multinationale

GIAL est une asbl créée par la Ville de Bruxelles en 1993 afin de gérer l’informatique interne. Pendant 18 ans, l’asbl a rémunéré ses directeurs au tarif de 1 000 euros par jour et ce, via un contrat de consultance absolument illégal.

Qui plus est, l’asbl traîne de longs antécédents de dépenses douteuses. Ainsi, dans le passé, elle a effectué pour 2 millions d’euros au moins de paiements suspects. Elle s’est également fait critiquer à diverses reprises pour n’avoir pas respecté la législation sur les adjudications publiques. Comment a-t-on pu en arriver là ?

PS : « Nous n’avons pas galvaudé l’argent de la Ville »

L’échevine bruxelloise Karine Lalieux (PS) a clamé au conseil communal bruxellois qu’elle n’avait « pas galvaudé d’argent de la Ville ». Car, dit-elle, « selon les autorités communales, de tels contrats et montants constituent la norme, sur le marché privé ». Manifestement, Lalieux et ses amis ne vivent pas sur la même planète que les simples citoyens.

Avec l’argent du contribuable, un directeur recevait 1 000 euros par jour, soit en gros 300 000 euros par an pour diriger un service de 125 personnes. C’est plus qu’Angela Merkel (619 euros par jour) et Charles Michel (797 euros par jour). Si la Ville avait appliqué ses barèmes officiels, de telles rémunérations dans un service communal n’auraient jamais été possibles.

Investir dans des CEO hors de prix ou dans du personnel communal compétent ?

Le bourgmestre Philippe Close (PS) reconnaît pourquoi ce service de la Ville s’est mué en une asbl : « Quand GIAL a été créé en 1993, c’était parce que nous ne pouvons pas payer des informaticiens selon les barèmes publics. » On croirait entendre un manager du secteur privé.

Aucun parti traditionnel n’a sérieusement remis en question ces pratiques

En 18 ans, un directeur a perçu 3 millions d’euros.1 Quelqu’un peut-il être compétent ou abattre une montagne de travail au point de valoir autant ? Si les CEO aiment à s’en vanter au point de finir par y croire est une chose, mais que les autorités se mettent à y croire elles aussi en est une autre… Avec 3 millions d’euros, les autorités communales peuvent assurer du travail à 10 personnes pendant 6 ans et à temps plein. Des dizaines de services communaux, employant plus de 100, voire 200 personnes, sont dirigés par des fonctionnaires publics compétents. Mais, selon les partis traditionnels, personne parmi les 20 000 fonctionnaires de la Ville de Bruxelles n’était suffisamment compétent pour continuer à diriger un service public déjà en place.

Ces partis estimaient tous qu’il fallait attirer des compétences « issues du privé » et que, pour payer ces gens, la Ville devait débourser 300 000 euros par an. Aucun parti traditionnel n’a sérieusement remis en question ces pratiques et ces décisions. Le bourgmestre Philippe Close (PS) a même été plus loin : « Pas de consultants et rien que des fonctionnaires, c’est du communisme. » Aussi ne s’étonnera-t-on pas que l’ASBL ait été gérée comme une entreprise privée... ni qu’elle ait foulé aux pieds toutes les règles en matière de gestion publique. 

Pour le MR et  le PS, « rien d’illégal... »

A force de dormir avec son chien, on attrape ses puces...

Selon les échevins bruxellois Karine Lalieux (PS) et Olivier Courtois (MR), il ne se passe là « rien d’illégal ». Leur réaction ne tient absolument pas la route. Il est exact qu’une asbl peut conclure des contrats avec des consultants qui opèrent comme des indépendants. Même une administration communale le peut. Mais les contrats de consultance dont ils parlent ici sont tout bonnement illégaux : un directeur ne peut jamais être un indépendant. Il travaille selon des liens hiérarchiques directs et de longue durée et collabore sur base journalière avec le conseil d’administration, alors qu’un consultant exécute des tâches de brève durée, de façon autonome et uniquement sur base des directives qui ont été décrites dans le contrat. Bref, il s’agit ici d’un contrat illégal de pseudo-indépendant. Rudi Vervoort, ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, minimise le problème : « Toute notre société est organisée avec des pseudo-indépendants. J’entends dire qu’Uber est l’exemple par excellence. Et bien, ce ne sont rien d’autres que des pseudo-indépendants. »²

En outre, pour un contrat de consultance aussi important que celui de GIAL, l’asbl aurait dû mettre sur pied un appel public d’offres et elle ne l’a jamais fait. La mise en œuvre de cette consultance est donc illégale pour deux raisons. Mais quand, il y a deux ans, le directeur général Yves Vander Auwera de GIAL a posé des questions sur le coût faramineux de ces contrats, il a rapidement été licencié par la Ville et même poursuivi.3

Le fait que, pendant des années, les échevins PS responsables n’ont posé aucune question sur ces pratiques, montre bien dans quelle mesure ils sont imprégnés de la « doctrine du privé ». A force de dormir avec son chien, on attrape ses puces... 

Comment prévenir des futures scandales ?  Découvrez les propositions du PTB pour des Services Communaux 2.0 avec un contrôle citoyen

1 http://www.lesoir.be/140449/article/2018-02-16/un-consultant-directeur-paye-1000-euros-par-jour-dans-une-asbl-bruxelloise-video • 2. https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_rudi-vervoort-sur-l-asbl-gial-cela-s-est-fait-en-toute-transparence-rien-n-etait-cache-a-l-epoque?id=9847474 • 3. https://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_j-ai-ete-mis-a-la-porte-apres-avoir-pose-des-questions-sur-le-contrat-affirme-un-ancien-directeur-du-gial?id=9844112

Texte: Dirk De Block et Bruno Bauwens

Photo: Bruno Bauwens